C’est la voie royale d’accès aux élites dans le monde

 

Xerfi Canal a reçu Lars Meyer Waarden, Professeur agrégé à Toulouse School of Management, Directeur de thèse au Business Science Institute, pour parler de la valeur du titre de Doctor.

 

Retranscription

Lars Meyer Waarden vous êtes professeur des universités à Toulouse School of management, au sein du Business Science Institute vous vous occupez du groupe de Bangkok et du Vietnam. J’ai envie de vous poser une première question : finalement il n’y a qu’en France qu’on peut faire carrière, faire partie de l’élite, sans doctorat ?

C’est tout à fait ça. Effectivement en France pour accéder à la fonction de PDG dans les entreprises du CAC 40 il faut être ingénieur. 60% des PDG du CAC 40 sont donc ingénieurs et pas n’importe quels ingénieurs : Polytechnique en premier lieu, ensuite vient Ponts et Chaussées, et il y a aussi 18% des PDG qui viennent de HEC. Viennent aussi des ingénieurs qui ont fait un MBA. Si on regarde de l’autre côté de la frontière de la France par exemple l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche, là c’est une autre histoire parce que les PDG ont à 50% un doctorat. Un doctorat en économie et management, droit ou ingénierie. C’est ce triptyque de disciplines qui fait qu’on accède à la plus haute fonction de l’entreprise, y compris dans les Conseils d’Administration. Le MBA a un rôle vraiment mineur par rapport à la France où effectivement une bonne partie des PDG ont aussi un MBA. Si on regarde un peu plus loin aussi vers l’Asie, l’Asie du Sud-Est, là aussi le doctorat a une fonction très importante. Le doctorat ouvre la porte aux plus hautes fonctions de l’entreprise aussi. Donc en résumé on peut dire qu’effectivement dans beaucoup de pays le doctorat est la voie royale aux plus hautes fonctions de l’entreprise.

 

On sait bien qu’en France cette particularité est notamment liée aux grandes écoles. Mais pourquoi, peut-être plus profondément, cette différence ? Quelle valeur attribue-t-on au doctorat ailleurs ?

C’est tout d’abord une ascension sociale, une reconnaissance sociale, le doctorat. Quand on regarde la carte d’identité en Allemagne on voit tout de suite le titre “Doctor” devant son nom. Ce n’est pas un hasard si les politiques, hommes et femmes politiques, ont souvent un doctorat : Angela Merkel et Helmut Kohl ont un doctorat. C’est une question de reconnaissance sociale, de légitimité pour les grandes entreprises du DAX, c’est être à la même hauteur que les clients. Avec un doctorat on a le plus haut diplôme, le diplôme plus élevé qui est possible et par conséquent on est à la même hauteur des yeux des clients ou des patrons. Donc c’est déjà une première raison. La deuxième raison c’est aussi une reconnaissance de connaissances, une légitimité de compétences. Parce que le doctorat confère aussi en Allemagne un vrai statut de compétences et de connaissances. Dans les grands cabinets de conseil : McKinsey, Boston Consulting Group, mais aussi les entreprises comme Porsche et Volkswagen, des grosses entreprises allemandes, le doctorat est vraiment le diplôme par excellence pour démontrer ses compétences, à la fois techniques pour les ingénieurs, mais à la fois aussi du management. C’est une question de reconnaissance de compétences et reconnaissance sociale.

 

Un point très intéressant c’est qu’il y a une vraie sensibilité maintenant des DRH des grandes entreprises quant à l’intérêt et la valeur justement d’un doctorat.

Oui tout à fait j’irai même plus loin, les entreprises poussent leurs cadres à aller faire un doctorat. Je prends l’exemple des grands cabinets de conseil, McKinsey ou Boston Consulting Group, ils poussent leurs cadres au bout de 3 à 5 ans d’expérience professionnelle à faire un doctorat, de prendre du recul. C’est un sujet stratégique pour l’entreprise et ils maintiennent le salaire, la voiture de fonction, tous les avantages de l’entreprise, pendant 3 à 5 ans en échange de la fidélité du candidat, du cadre qui revient et qui s’engage à travailler pendant 2 à 3 ans pour l’entreprise. Bosch va encore plus loin, ils ont un programme doctoral en interne qui fait qu’un employé, un cadre, va travailler pendant 3 ans sur un sujet sans être impliqué dans de l’opérationnel sur des sujets disruptifs, comme par exemple de nouveaux business models ou l’innovation. Donc sans être impliqué dans l’opérationnel. Ces formations doctorales sont très structurées, donc encadrées par un corps professoral d’excellence, je prends l’exemple des DBA qui sont extrêmement structurés, et en plus pour un coût modique par rapport à ce que coûte un MBA. Un MBA à HEC c’est 80 000 euros, Harvard jusqu’à 125 000 euros, donc la rentabilité est très vite chiffrée. Sans compter l’augmentation de salaire en Allemagne pour un Doctor : + 30% par rapport à un simple MBA.